Le Mauricien

31 Mar 2020

LOCKDOWN ET SÉCURITÉ ALIMENTAIRE : Le rôle vital de l’AMM et du Made in Moris

L’urgence est de débloquer le port et les marchandises coincées

Bruno Dubarry, CEO de l’AMM : « Il faut déjà penser et lancer la reprise économique ! »

L’Association of Mauritian Manufacturers regroupe près de 90 industriels locaux, tous fournissant le marché local, en produits d’import substitution et produits de première nécessité. L’association est également derrière la création du label Made in Moris. Depuis l’instauration de l’état d’urgence sanitaire, les membres de l’AMM et les adhérents du Made in Moris se préparent à relancer leurs activités : constitution des équipes réduites, demandes de permis et renforcement des protocoles sanitaires. Les industriels mauriciens font également preuve de générosité en appuyant les efforts du Réseau Solidarité en fournissant des vivres et des moyens logistiques.
Yannick Fayd’herbe, président de l’AMM déclare : « A l’AMM, nous représentons des producteurs locaux. Depuis toujours, nous sommes en première ligne pour fournir au pays des produits de 1ère nécessité. Aujourd’hui, nous savons que nous allons traverser une période extrêmement difficile. Une majorité d’entre nous devra continuer à assurer la production. Nous sommes des battants et c’est ce fighting spirit qu’il nous faut garder aujourd’hui. »
Depuis le confinement national, Bruno Dubarry, CEO de l’AMM, multiplie les visio-conférences et les appels, afin de permettre aux industriels mauriciens – membres de l’AMM et adhérents du label Made in Moris – de reprendre la production : « On ne compte plus les heures mais c’est essentiel que nous reprenions la production, surtout des produits de base : huile, farine, filière avicole, nourriture pour animaux, désinfectants etc. Nous allons vers une situation où nous devrons être encore moins dépendants des importations et les industriels locaux auront un rôle vital à jouer. » Malgré l’annonce du lockdown total, les manufacturiers locaux restent plus que jamais déterminés à relancer leurs opérations. « Il s’agit pour nous d’assurer la sécurité alimentaire du pays. C’est notre engagement depuis 50 ans déjà, » souligne-t-il.
L’AMM représente un réseau avec des ressources essentielles dans cette période. Le CEO de l’AMM a travaillé sans relâche auprès des autorités et a pu obtenir des permis pour les services essentiels : services médicaux, produits sanitaires, production alimentaire, distribution, packaging, labelling et maintenance. 30% de la masse salariale des 52 entreprises soutenues dans leurs demandes.
« Ce travail n’est pas fini. L’urgence est avoir les quantités suffisantes de salariés pour éviter la pénurie alimentaire dans Maurice. Dans ce sens l’AMM ne ménage pas ses efforts en lien direct avec les membres du gouvernement, les capitaines d’industrie, les services de police, les organisations partenaires. Notre association est à l’avant-garde des besoins alimentaires de Maurice et évalue les besoins à venir en se dotant des outils de pilotage nécessaires, » soutient Bruno Dubarry. Le CEO de l’AMM siège également sur le comité Essential Foods and Energy Supply au sein de Business Mauritius dans le cadre de la crise sanitaire.
L’association des industriels mauriciens s’attaque désormais à d’autres urgences. « D’abord, il faut impérativement débloquer le port où se trouvent de nombreux conteneurs, indispensables pour assurer la stabilité de notre supply chain. Ces conteneurs doivent sortir du port ! » Il est impératif de débloquer le port et assurer le bon fonctionnement de la supply chain alimentaire, renforcer les bonnes pratiques sanitaires pour les salariés et les clients, soutenir les initiatives locales pour la production des PPE (Personal Protective Equipment), pérenniser la fourniture aux plus démunis, améliorer l’approvisionnement collectif aérien et maritime de Maurice, Réunion et Madagascar. « J’espère que le pays, les autorités et les consommateurs comprennent aujourd’hui que le Made in Moris n’est pas qu’un élément de fierté. Aujourd’hui la production locale est vitale. Nous allons également nous assurer qu’une partie de notre production ira aux familles vulnérables via le Réseau Solidarité. »
Bruno Dubarry, CEO de l’AMM, pense déjà à la future contribution des industriels mauriciens dans la lutte contre la pandémie. « Notre rôle vital se vérifiera aussi dans la fourniture des équipements de protection personnelle pour lutter contre le Covid-19. On ne pourra pas se limiter à des carnets de commandes gigantesques de la Chine, pour répondre à tous nos besoins. Il faudra être capable de fournir localement ces équipements. Il faut aussi faire tourner l’outil productif. Donc, il ne faut pas perdre de vue l’Afrique à côté, qui subira aussi les effets de la pandémie. Les pays africains auront les mêmes besoins que nous : alimentation, protection … Au niveau de l’AMM, on suit l’urgence locale, on explore le sourcing régional mais nous anticipons d’autres besoins, comme fournir les marchés voisins. Il faut déjà penser et lancer la reprise économique ! Il faut prendre la crise comme une opportunité de revoir nos fondamentaux. »

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Bruno Dubarry, CEO de l’AMM ; « Il faut déjà penser et lancer la reprise économique ! »

Quelles leçons tirez-vous des deux dernières semaines ?
On se rend compte de l’importance d’avoir une industrie alimentaire et une filière agricole qui fonctionnent. Au début, il y a eu une certaine lourdeur dans l’octroi de nos permis. On considérait encore, et j’espère que ce ne sera plus le cas, que les systèmes bancaires et d’autres services immatériels étaient vitaux. On a vite compris que l’alimentation était essentielle. Or, l’alimentation, ce n’est pas un bouton ON sur lequel on appuie pour que tout sorte des usines. Il y a toute une chaîne logistique qui s’est stoppée brutalement. Pour la rendre de nouveau opérationnelle, il faut des personnes sur le terrain. Nous sommes dans un secteur vital. On ne peut fonctionner correctement avec une équipe très réduite. Le secteur manufacturier local dans les produits essentiels compte plus de 11 000 salariés au sein de l’AMM. A ce jour, nous avons pu obtenir un certain nombre de permis : 30% de la masse salariale des 52 entreprises soutenues dans leurs demandes. Cependant, cette semaine s’annonce compliquée. La production doit redémarrer car les supermarchés seront ouverts et il faudra livrer les commandes passées en ligne.

Justement, quelles sont les priorités de l’AMM pour les prochains jours ?
D’abord, il faut impérativement débloquer le port où se trouvent de nombreux conteneurs, indispensables pour assurer la stabilité de notre supply chain. Ces conteneurs doivent sortir du port. Nous nous concentrerons cette semaine sur les demandes complémentaires de nos opérateurs. Il faut permettre au personnel de se reposer, surtout dans cette période de pointe d’activité. Il faut pouvoir instaurer des shifts. L’AMM a renforcé sa collaboration avec la Chambre d’Agriculture. Il y a un lien naturel et vital entre les industriels et les agriculteurs et éleveurs. La culture vivrière compte 5000 travailleurs. Or, il y a moins de 200 permis accordés à ce secteur. Ce n’est pas suffisant pour récolter des légumes. L’AMM va aussi appuyer les demandes de la Chambre d’agriculture.

Quel rôle peut jouer l’AMM dans cette pandémie ?
J’espère que le pays, les autorités et les consommateurs comprennent aujourd’hui que le Made in Moris n’est pas qu’un élément de fierté. Aujourd’hui la production locale est vitale. Nous allons également nous assurer qu’une partie de notre production ira aux familles vulnérables via le Réseau Solidarité. Notre rôle vital se vérifiera aussi dans la fourniture des équipements de protection personnelle pour lutter contre le Covid-19. On ne pourra pas se limiter à des carnets de commandes gigantesques à la Chine, pour répondre à tous nos besoins. Il faudra être capable de fournir localement ces équipements. Il faut aussi faire tourner l’outil productif. Donc, il ne faut pas perdre de vue l’Afrique à côté, qui subira aussi les effets de la pandémie. Les pays africains auront les mêmes besoins que nous : alimentation, protection … Au niveau de l’AMM, on suit l’urgence locale, on explore le sourcing régional mais nous anticipons d’autres besoins, comme fournir les marchés voisins. Il faut déjà penser et lancer la reprise économique ! Il faut prendre la crise comme une opportunité de revoir nos fondamentaux.

Les manufacturiers locaux solidaires et généreux
L’AMM et le Made in Moris sont aussi actifs dans le soutien aux plus démunis, dès l’annonce de la fermeture des supermarchés. Plusieurs opérations de solidarité ont été directement pilotées par l’AMM avec les entreprises ayant reçu leurs permis ou prêtes à donner des moyens financiers et alimentaires. Ces opérations ont été menées avec le Réseau Solidarité monté par Audrey d’Hotman de Villiers, consultante en développement social. Ce réseau soutient les familles vulnérables non-inscrites sur le Social Registry. Ces opérations ont permis de soulager les familles vulnérables via FoodWise, Caritas, APEDED, entre autres. « Le terrain ne pouvait pas attendre ! L’AMM et le Made in Moris se sont organisés très rapidement pour nous soutenir. On était submergé de demandes d’ONG. Les industriels locaux ont été d’une générosité extraordinaire avec leurs stocks. On ne s’y attendait pas du tout. Ils avaient des vivres qu’ils auraient pu vendre mais qu’ils nous ont offerts sans hésitation. La réponse des industriels locaux a été exceptionnelle. Ce sont nos producteurs locaux qui, en nourrissant ces familles vulnérables à travers ces ONG, ont apporté un soulagement et ont permis d’éviter une crise sociale la semaine dernière ! On a tort de ne pas porter plus d’attention au Made in Moris. C’est la production locale qui va nous sauver demain. Que restera-t-il lorsque les stocks des supermarchés seront épuisés ? Il restera le Made in Moris et les industriels locaux ! C’est une leçon que notre pays doit retenir. »

A propos de l’AMM
L’Association of Mauritian Manufacturers est une organisation du secteur privé qui représente les intérêts de l’industrie locale. L’activité de ce secteur consiste pour l’essentiel à répondre à la demande du marché domestique. L’AMM regroupe 80 industriels locaux, représentant le secteur des DOE (Domestic Oriented Entreprises). Onze secteurs différents sont représentés au sein de l’AMM: agro-alimentaire, boissons, chimie, éditions/ imprimerie, travaux des matériaux métalliques et non-métalliques, papier/carton, services à l’industrie, produits d’hygiène, solaristes entre autres. La mission de l’AMM est de promouvoir l’industrie mauricienne et d’accompagner sa transformation. En 2013, elle a lancé le label Made in Moris, pour valoriser le savoir-faire mauricien. Ce projet collectif a démarré grâce à 11 entreprises volontaires, membres de l’Association of Mauritian Manufacturers. Le label compte aujourd’hui plus de 90 entreprises dont 50% sont des PME, 250 marques et 3500 produits. Le label est ouvert à six différents secteurs : production industrielle, textile, agro-alimentaire, agricole, culturel et créatif, industrie des services-services hôteliers.